Des travailleurs des CTE et des GTE

ESCRIBANO Pascal LACASA Antoine LOPEZ Antonio Garces RAMIREZ Luis SANFELIEU Juan

Pascal Escribano

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Antoine Lacasa, jeune officier diplômé de l’académie militaire, a franchi la frontière le 10 févier 39 avec les rescapés de la 28ème division républicaine, l’une des dernières unités à combattre et à être autorisée à se réfugier en France. Ils furent regroupés au Mont-Louis, puis internés au camp du Vernet en Ariège. En juillet 39 A. Lacasa est affecté à la 78ème CTE composée de cinq sections de 40 hommes chacune, soit un total de 250 hommes avec les services d’intendance. Elle est commandée par des officiers français et par un gendarme par section. Au début de l’hiver 39 cette CTE est convoyée à St Martin-de-Queyrières et logée sous des tentes. Elle travaille à l’aménagement d’un tunnel doublant, à hauteur de Prelles, une portion de route et de voie ferrée reliant Gap à Briançon, trop exposée à des bombardements éventuels. Une autre CTE, à laquelle appartenait son ami Joachim Anaya, travaillait au même ouvrage sur la partie amont. Il est ensuite affecté aux mines de charbon de la Condamine à Puy-Saint Vincent, jusqu’en juin 40. Les bombardements italiens depuis le fort du Chaberton les contraignent à être évacués, et on les informe de leur transfert aux mines de charbon d’Alès.

Mais au cours du transport, ils sont déroutés vers le Pontis, prés de Savines, et affectés au chantier de construction de la route du Parpaillon en remplacement d’un chemin muletier. Il travaille ensuite, à l’élargissement de la route entre Agnières et St Etienne-en-Dévoluy, puis dans le col du Noyer. Pendant l’hiver 40-41, retour dans le Briançonnais sur le chantier de construction de la « route des Espagnols » entre Réotier et Champcela, en rive droite de la Durance, avec une installation à St Crépin. Enfin, il est envoyé dans les gorges de la Méouge pour en élargir la route. Il y rencontre sa future épouse et obtient un emploi dans une ferme. Lors de la dissolution de ce GTE, il est réquisitionné pour un très probable envoi en Allemagne. Il s’enfuit et se cache jusqu’à la libération. Il vivra à Laragne après la guerre.

Source : Revue Le Luminaire, n° 20, 2003, op cit

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Juan Sanfelieu A son arrivée en France, lors du repli de son unité, il séjourne dans plusieurs camps de rétention, près de la frontière des Pyrénées, dont celui de Saint Cyprien. En décembre il est affecté à la 110ème CTE envoyé dans les Ardennes en soutien à un régiment du génie. Lors de l’avance allemande la CTE reflue à pied jusqu’à Epernay, puis en train jusqu’à Pamiers où tout l’été va se passer… à jouer au football. En décembre 40, elle est réquisitionnée par les Italiens pour désarmer les fortifications des Alpes dans l’Ubaye et récupérer de la ferraille envoyée en Italie dans des aciéries. En mars 41 son GTE qui compte près de 200 hommes est ramené à Ribiers pour des travaux d’élargissement de la route des gorges de la Méouge et un camp est installée à la ferme du Secours. De façon illégale, mais tolérée, quelques femmes et enfants s’installent au village, à proximité d’un mari ou parent.

Juan Sanfelieu est gardien de but de l’équipe de football de Laragne pendant les saisons 41 et 42. Son GTE est ensuite transféré à Théus, mais en juillet 43 il apprend qu’il va être envoyé à Bordeaux sur un chantier Todt de construction du mur de l’Atlantique. Il déserte avec 6 camarades et ils se cachent près de Bréziers. Arrêté et sous escorte de gendarmes, avec de nombreux fugitifs espagnols, il est rattaché au GTE du Centre du Pont-la-Dame et détaché au chantier Todt de construction d’une base allemande de sous marins à l’Estaque, basé à Miramas. Il travaille de 7h à 19h pour un salaire de 100 Francs par jour et le soir il est libre. Après 3 semaines, il se procure des vêtements civils, s’évade et regagne Bréziers. Il y travaille pour 10 Frcs par jour dans une ferme et il reprend sa place au club de football de Laragne.

Avec deux amis José Garcia et Anglès, ils joueront ensuite dans l’équipe de Gap où « ils eurent quelques facilités pour monter des affaires ». Il épouse une institutrice qu’il rejoint dans le nord du département où elle a été nommée. Après la guerre le couple habitera de nombreuses années à Gap. Il évoque un autre ami footballeur, membre de son GTE, Joaquín Anaya, qui s’est installé à Ribiers, puis à Laragne, après avoir trouvé du travail successivement dans une ferme, chez un négociant en fruits et en graines, puis chez un fabriquant de caisses de fruits à Mison, et enfin dans une usine de Sisteron. Lui aussi épousera une institutrice en 1952.

Source : Revue Le Luminaire, 2003, op cit.

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Luis Ramírez, né en 1917, a combattu pendant la guerre civile. A son arrivée en France en février 39, il est désarmé et passe une année au camp d’Argelès: « Nous dormions avec une couverture pour quatre; couverts de poux, sans eau potable, avec pour nourriture une boîte de sardines pour trois et un morceau de pain jetés d’un camion, comme à des chiens, sous la garde de spahis à cheval, de légionnaires et de tirailleurs sénégalais, avec interdiction de s’approcher des clôtures. On nous appelait « les rouges » et on avait le sentiment d’avoir été trahis par le gouvernement français. Les civils et les femmes et enfants, mis dans des camps séparés y furent mieux reçus ».

En janvier 40, il est affecté à la 78ème CTE chargée de monter une usine d’armement près d’Orléans, et qui est ramenée à Pamiers en juin. Elle arrive à Briançon en octobre 40, occupée dans les forts, et sous la surveillance de militaires italiens, à des travaux de récupération de fil de fers barbelés et autres ferrailles, puis elle est affectée à la construction de routes.

En janvier 41, L. Ramírez est à Serres et il travaille sur le chantier de la route de Savournon. Le dimanche, il est autorisé à retrouver des amis au Centre du Pont-la-Dame. A l’automne 41 une partie de son GTE est envoyé à Tallard. Lui restera à Savournon où il a trouvé un emploi chez un agriculteur et où il peut reprendre son métier de tailleur d’habits. En janvier 42, il y épouse une refugiée du camp d’Aspres et naitront deux enfants. « Ramassé à Serres en janvier 44 par les Allemands », il est « requis pour le STO en Allemagne et expédié de Gap à Dijon où un regroupement est fait. Une partie partira pour l’Allemagne et on ne les reverra jamais plus», tandis qu’affecté dans le second groupe, il se retrouve près de Deauville sur un chantier de construction du mur de l’Atlantique. Il travaille ensuite dans un atelier de confection à Rouen, où les bombardements alliés sont continus. Il parvient à s’enfuir et, par train, il rejoint sa famille restée à Serres, ou il installera son atelier de tailleur. Il sait que ceux qui ont voulu rentrer en Espagne après la guerre ont été exécutés ou envoyés aux travaux forcés. Source : Revue le Luminaire, op. cit.

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Antonio Gómez López, est né en 1909 prés de Tolède dans une famille de 5 enfants. En 1936 métayer d’une petite ferme d’élevage bovin, il vient de se marier et son épouse attend un enfant. Le 27 septembre 36, Tolède est prise et occupée par les troupes franquistes. Il doit s’enfuir et quitter sa famille, qu’il ne reverra jamais. Mobilisé dans l’armée républicaine, il entre dans la division Lister composée d’une majorité de miliciens, militants communistes. Il participe aux batailles de Brunete, Teruel et aux offensives d’Aragon et de l’Ebre ou il est blessé à la jambe. Son unité est repoussée vers la Catalogne et avec les restes de cette division, il passe la frontière à Port Bou le 10 février 39 et il est interné au camp d’Argelès. 

En mai 40, il est affecté à la 78ème CTE et arrive à St Martin-de-Queyrières sur le chantier de construction de la route, puis sur d’autres chantiers dans le département. Il est rattaché au GTE du Pont-la-Dame, ou il séjourne et d’ou il est détaché comme domestique à la ferme Miollard de Mison. En juillet 43, quand les 114 travailleurs réfugiés affectés dans des fermes ou entreprises de la région sont regroupés à Aspres pour être envoyés sur les chantiers Todt de l’Atlantique, il déserte et se cache avec un ami. Il est arrêté en août, mais parvient à s’enfuir. Pendant près d’un an et grâce à la complicité et l’aide de la famille Miollard, il vit et travaille clandestinement à la ferme qui l’employait, en se cachant, – lors des visites de gendarmes, d’Allemands ou de visiteurs douteux-, à proximité, dans un local aménagé dans un bois sous un pierrier. Pendant l’été 44, il intègre le 14ème Bataillon FTP, alors installé dans la montagne de Chabre. Après la libération, il devient docker à Marseille. Il tente sans succès de faire venir son épouse et sa fille, -qui ne les recevront jamais -, les documents nécessaires pour faire des formalités de séjour en France. Il a contracté la tuberculose et il décède dans un sanatorium près d’Aix-en-Provence, en 1954.

Sources : Informations communiquées par son petit fils Isabelo Gómez López ; Directeur du Patrimoine de la ville de Tolède, qui prépare un livre sur sa vie et témoignage de M. Claude Escudier, de Mison, qui était alors enfant à la ferme de ses grands parents Miollard et « qui a bien connu Antonio ».

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