De Daniel Brun : sa mère catalane refugiée (en attente)
De François Pujol (Savournon) sur sa famille.
« J’habite depuis 50 ans à Savournon, au pied de ce que l’on appelle la route nouvelle, une déviation d’un hameau construite par un GTE1 composé pour l’essentiel de républicains espagnols. Cette évocation en appelle en permanence une autre, celle de l’histoire de ma famille maternelle noyée dans l’Histoire de la Guerre d’Espagne, à mille kilomètres d’ici.
Début de l’été 1936 : Mon grand-père, plâtrier-staffeur travaille à Biarritz. Une cousine institutrice (Gloria) et une nièce (Glorica) quittent leur village de la Navarre, pour rejoindre une tante (Sinfo) également institutrice, à Oyarzun en Guipúzcoa.
Ensemble elles vont à San Sébastian chez des parents. Elles ne prêtent pas attention à l’agitation dont la ville semble être saisie, jusqu’au jour où elles entendent des coups de feu et voient sur le balcon de la maison d’en face une mitrailleuse, tandis que des hommes élèvent une barricade. On est le 19 Juillet.
La Général Mola, tête pensante du soulèvement de l’armée contre la République, vient de prendre le contrôle de la Navarre où la répression s’organise : 42 fusillés à Andosilla (2000 habitants) dont Julio MARIN le père de Glorica qui fut maire socialiste. A Sartaguda (1.242 habitants), 84 exécutions. A Peralta (3.830 habitants), 89 exécutions.
Mola entreprend de couper l’accès à la frontière française, qu’il n’atteindra que le 5 Septembre, à Irun, signe de l’âpreté des combats.
San Sébastian déclarée ville ouverte, va commencer pour les 3 femmes un exode vers l’Ouest. C’est d’abord Bilbao où elles se croient en sécurité malgré les problèmes de ravitaillement, les 2 institutrices pouvant même reprendre leur travail. Ce répit sera de courte durée, les bombardements s’intensifient.
En mai 37, la Croix Rouge organise l’évacuation des enfants de Bilbao par des bateaux anglais et demande des institutrices volontaires. Gloria se propose. Elle passera 3 ans en Angleterre.
La défense de Bilbao étant fragilisée par quelques trahisons, Glorica et Sinfo doivent évacuer la ville début Juin, de nouveau vers l’Ouest, ce sera Santander.
A ce stade, mon grand-père réussit, après de multiples tentatives, à les contacter par la Croix Rouge, toujours très active. Il leur dit d’évacuer comme elles peuvent vers la France, leur donne les coordonnées nécessaires, car entre temps, interdit de séjour dans les Basses Pyrénées pour activisme politique, il a dû se réfugier dans la « banlieue rouge » de Paris.
La pression sur Santander se faisant plus forte, elles réussissent à partir le 24 Aout sur un camion de miliciens, direction Riabadesella à 115 kms à l’Ouest. Santander tombera le 26.
A Ribadesella, deux bateaux charbonniers anglais2 proposent d’embarquer tous ceux qui le souhaitent pour Bordeaux, malgré les mines et les navires nationalistes. Elles se décident et montent à bord, dans les soutes. Elles arrivent à Bordeaux après 3 jours de traversée. Ribasdesella tombera le 27 Aout.
Arrivées à Bordeaux, comité d’accueil, douche, vaccins, sadnwichs. On les fait monter dans un train qui s’arrête à toutes les gares où des réfugiés descendent. Pour elles ce sera, après 2 jours de trajet, le terminus à St Rambert en Bugey, où un autre comité d’accueil les prend en charge.
De là elles recontactent mon grand-père qui organise leur voyage, avec la Croix Rouge. Elles arrivent enfin à Paris puis chez mes grands-parents fin Septembre. Elles y resteront près de 3 ans. Mon grand-père emmenait Glorica, sa « pièce à conviction », à tous les meetings de solidarité auxquels il participait.
En 1940, Une Œuvre caritative anglaise organise l’accueil d’enfants de réfugiés, dans une propriété près d’Aix en Provence, sous la houlette de Gloria qui revient ainsi en France. Elle appelle Glorica et Sinfo à la rejoindre. Enfin réunies !
Mais le retour au pays devient pour elles une obsession, sans aucune nouvelle de la famille depuis Juillet 36. Avec beaucoup de craintes elles se rendent au consulat espagnol de Marseille et obtiennent un sauf conduit pour Glorica. C’est elle qui rentrera seule. Si tout se passe bien, elle leur écrira avec une phrase codée.
A la frontière, les allemands sont déjà là. On est en Novembre 42. Après une fouille à corps on lui donne un autre sauf conduit pour Sans Sébastian et ainsi de suite jusqu’à Estella puis Andosilla, qu’elle a quitté à l’âge de 14 ans, Elle en a aujourd’hui 20, sa mère ne la reconnait pas et lui fait immédiatement revêtir des habits de deuil. C’est alors qu’elle apprend la mort de son père. La tante Sinfo mourra en Mars 43. Gloria sera jugée et interdite de séjour en Navarre.
Après 1975, Les familles des fusillés retrouveront la fosse commune où ils furent jetés, et ils leurs célébreront des obsèques dignes de leur sacrifice. Un monument sera érigé au centre du cimetière avec cette inscription : Ici reposent ceux qui, à l’horreur d’une guerre entre frères, furent sacrifiés pour avoir voulu témoigner d’un monde lointain, où règneront la Justice, la Paix et la Liberté. Les parents et citoyens de bonne volonté, qui se souviennent de vous.
Cette « épopée » fut aussi génératrice d’une affection ineffable entre les deux branches de la famille, qui perdure encore aujourd’hui avec les nouvelles générations, « Tras el Pirineo ».
François PUJOL-PEÑALBA (en attente)